Et voilà les poulets sont dans l’hémisphère nord, au Mexique, après plus de cinq mois passés sur la moitié méridionale du globe. À première vue on se dit « ouais, bon ils voyagent un peu partout, on le sait, on les envie même, j’aimerais tellement être eux, ils sont géniaux, j’ai un poster d’eux dans ma chambre… et alors? ». Et alors l’hémisphère nord en novembre c’est synonyme d’un hiver qui approche ma petite dame (#winteriscoming).
Le Yucatán : des tacos, du crépis coloré et de la plongée en caverne
Vingt heures de voyage depuis La Paz et bim, nous foulons le sol mexicain sur la côte caribéenne du pays, à Cancún. Si nous sommes ici c’est surtout parce que c’est le plus gros aéroport de la région, facile à atteindre depuis l’étranger. Car on ne va se mentir, rien que son nom nous donne la chair de poule… Béton, occidentalisation grossière, alcool, drogue, trafic d’organes, prostitution… Ah non, c’est Zone Interdite ça! C’est juste une grosse ville créée de zéro en 1970 pour accueillir des millions de touristes et les divertir au bord de mer loin de leurs tracas du quotidien (mais en cherchant bien, il doit quand même être possible de trouver un rein d’occaz’ pour pas trop cher). Il n’en reste pas moins que c’est le Mexique, et que c’est donc synonyme de tacos! Les poulets se délectent de leurs premiers et délicieux petits en-cas typiques, assaisonnés et pimentés à souhait. Excellent!
Après une première nuit tropicale (ça change après les climats secs d’Amérique du Sud) nous prenons la route, et le bus, vers un petit village de pêcheurs au nord de la péninsule, Rio Lagartos (« la rivière aux lézards » dans notre langue). Premier constat de ce trajet de quelques heures à peine : les locaux sont adorables! Il y a un net changement par rapport au feu argentin et à la retenue bolivienne. Les gens sont souriants et très communicatifs, on respire la bonne humeur. Le chauffeur de bus qui chambre la grand-mère et son déambulateur en lui demandant « comment la ballerine s’est fait mal » avant de la prendre dans ses bras pour l’installer sur la banquette, ça à fait rire tout le monde aux éclats et ça nous enlève tous doutes! Nous prenons nos quartiers dans un bel hôtel du petit port tout tranquille, ça nous change de nos standards et c’était voulu. Pendant nos deux jours ici nous nous adonnons aux activités typiques : barbotage dans la piscine, balade dans la mangrove pour découvrir oiseaux marins, flamants roses, crocos et lagunes salées roses. Côté ventre (vous nous connaissez hein?) on se penche sur les tacos aux poissons et fruits de mer et les cocktails sur le toit de l’hôtel au coucher du soleil. Là on s’est vraiment dit que l’automne européen ne nous manquait pas, mais vraiment pas, du tout. Un peu de vacances bien méritées (nous aussi on vous aime).
Le corps plein à craquer de vitamine D, nous filons découvrir notre première ville coloniale mexicaine, la charmante Valladolid. Des rues qui quadrillent la citée, des maisons colorées, un centre-ville pavé et seulement une poignée de touristes. Le charme opère, Audrey se lance dans un reportage photo intitulé « un arc-en-ciel de façades ». Que ce soit à vélo ou à pied, c’est un plaisir de flâner ici. Un petit creux : on ingurgite trois tacos. Une petite soif : on boit un horchata (lait de riz à la cannelle) ou un jamaica glacé (infusion de fleurs d’hibiscus). Notre séjour est assez bref, mais il s’agit surtout de prendre nos marques pour revenir dans quelques jours, accompagnés de visiteurs de passage au Mexique…
D’ici là nous prenons la direction de Tulum, célèbre petite ville de la côte caribéenne. Ne venez pas ici chercher le Mexique typique, la petite sœur de Cancún est plus un petit Bali, tout ce que les poulets affectionnent en somme. La ville est divisée en deux : le village – principalement une avenue bordée de boutiques de souvenirs, de restaurants et d’auberges de jeunesse – et la plage – huit kilomètres d’hôtels pour les bourses plus garnies. Il y a aussi un site maya, mais nous y reviendrons plus tard. On profite de notre première après-midi pour aller à la plage, ce que l’on n’avait pas fait depuis deux mois, soit une véritable éternité (n’êtes-vous pas d’accord?). Mais si nous sommes ici c’est avant tout pour plonger. En effet le Yucatan recèle belle quantité d’options pour les amateurs de plongée, que ce soit en mer ou « sur terre » (mais qu’est-ce qu’ils racontent?!). C’est bien cette dernière option qui nous a fait venir ici. La péninsule est parsemée de milliers de cavités, allant de simples bassins à ciel ouvert à des réseaux de grottes submergées. Leur point commun est l’orifice circulaire y donnant accès à la surface ; on appelle cela un « cenote » (à prononcer sé-no-té).
Petite explication Fred & Jammy pour les scientifiques : le Yucatán est une péninsule qui souffre régulièrement de sécheresses. C’est d’ailleurs la raison la plus probable du départ des mayas de la région et du déclin de leur civilisation avant l’arrivée des espagnols. Il n’y a ni rivières ni lacs ici. Par contre, il existe un réseau assez dense de rivières souterraines perçant parfois la surface, ce qui donne un cenote. En effet, l’effondrement de la paroi supérieure des galeries donne naissance à ces puits utilisés depuis toujours comme réserves d’eau douce. Si vous regardez sur une carte vous verrez que ces cenotes sont répartis concentriquement – c’est assez perturbant à voir – autour d’un point bien précis situé au nord de la péninsule. Il s’agit de l’endroit exact où un astéroïde a frappé la Terre il y a 66 millions d’années – le cratère de Chicxulub. Pour faire simple et vous éviter d’aller faire un tour su Wikipédia, de la roche souterraine aurait été projetée autour du cratère sur des dizaines de kilomètres et aurait favorisée la création, bien plus tard, de ces rivières souterraines. Nos lecteurs les plus affûtés ont déjà fait le rapprochement et savent que nous sommes en train de parler de l’astéroïde étant probablement responsable de l’extinction des dinosaures (tous sauf Denver, qui est le dernier dinosaure, notre ami, et bien plus encore). Vous voilà un peu plus cultivé qu’il y a vingt minutes, de rien.
Forts de toutes ces magnifiques plongées faites à travers le globe depuis janvier, nous trouvons une petite école bien relax. Chanceux, nous avons le droit à une matinée en privée avec Kenneth, notre guide charismatique et percé aux tétons (qu’est-ce que cette info fait là?). Au programme, les cenotes de Calavera (« le crâne » en français) et Car Wash (« lavage de voiture », car les locaux venaient nettoyer leurs petits bijoux avant de réaliser que c’était aussi l’eau qui sortait de leur robinet un peu plus loin). Nous sommes encore plus aux anges lorsque nous découvrons que nous sommes seuls ce matin-là à plonger, ce qui, à Tulum, est assez exceptionnel. Imaginez-vous l’entrée dans l’eau pour Audrey, grande téméraire : Calavera est un trou dans le sol de deux mètres de diamètres, l’eau trois mètres plus bas. Croyez-le ou non, mais elle a sauté sans hésiter. Ensuite c’est juste magique. Les effondrements, ouvrant les grottes vers le ciel, ont entrainé avec eux des arbres, des squelettes d’animaux, et bien entendu des roches de tailles diverses. Les rayons du soleil, perçants le feuillage des arbres au dehors, offrent des jeux de lumière incroyables. Les silhouettes des branchages engloutis se dessinent sur des nuances allant du bleu au vert. Et lorsque nous décidons de nous enfoncer dans les profondeurs des grottes, c’est le noir total. Il nous faut parfois nous glisser dans des petits crevasses à la lumière de nos torches. À Calavera nous découvrons ce qui s’appelle une halocline. À quelques mètres de profondeur, l’eau douce rencontre l’eau salée. Les deux n’étant pas miscibles, c’est comme voir la surface d’un lac où se reflète la lumière, mais sous l’eau! Cette expérience restera l’une des plus belles de notre voyage.
Franchement déçus par Tulum qui reflète plutôt bien l’homogénéisation du tourisme à travers le monde – on lisse tout avec des restos végétariens offrant le wifi à chaque coin de rue – nous nous souviendrons essentiellement de ces deux superbes plongées. On peut partir tranquille.
Roadtrip en famille à travers la péninsule
Une nouvelle aventure débute pour une douzaine de jours ; on récupère la maman et la sœur de Ben accompagnés de leurs maris respectifs pour un tour de la péninsule du Yucatán en voiture. À bord de notre grosse familiale américaine (l’équivalent d’une locomotive de train en France), nous allons parcourir les états de Quintana Roo, Yucatán et Campeche dans le sens inverse des aiguilles d’une montre (désolé pour les possesseurs de Casio et d’Apple Watch). Nous avons préparé leurs séjours depuis quelques semaines et c’est véritablement un changement de rythme pour nous. Il s’agit de leur vacances, alors ce serait tellement mieux si on évitait toute déconvenue et de profiter un maximum de ce que la région a à offrir : des temples mayas incroyables, des villes au passé coloniale palpable et de la baignade entre plages et cenotes.
Comme on le mentionnait plus tôt, le Yucatán est une terre chargée d’histoire pré-hispanique, même si certaines traces ont été effacées par le temps, plus ou moins volontairement. La conquête espagnole a eu un effet désastreux sur ce qu’il restait de la civilisation maya lors de l’arrivée des conquistadors. La quasi-totalité des édifices religieux ont été bâtis avec les pierres des temples situés dans les parages et les quelques écrits existants ont été quasiment tous brûlés. Heureusement, certains temples ont été épargnés, peut-être grâce à leur taille imposante, ou seulement parce qu’ils étaient encore inconnus ou difficiles à atteindre au fond de la forêt. Nous avons la chance d’en visiter quelques-uns (sept précisément), et c’est allé crescendo!
Il y a d’abord eu les cités du nord, comme la modeste Ek Balam – très sympa pour se mettre dans l’ambiance, Chichen Itza et son incroyable pyramide du serpent à plumes – Kukulkan – ainsi que son immense jeu de paume – juego de pelota – où le capitaine de l’équipe vainqueur avait l’honneur de se faire décapiter (ça ne se roulait pas par terre comme un footballeur brésilien là). La pyramide de Kukulkan est grandiose, aussi bien de par la perfection de ses lignes aujourd’hui restaurées, que pour le sens caché de chacune de ses proportions (le calendrier maya est inscrit dans ses dimensions et dans son orientation).
Un peu plus au sud, dans les régions des villes de Mérida et Campeche, nous découvrons les sites de Mayapan, Uxmal et Edzna. L’architecture du site d’Uxmal diffère complètement de Chichen Itza, ce qui est normal car il y a quelques siècles entre leurs édifications respectives. Ici c’est l’acropole et la densité des constructions qui impressionne, on a vraiment le sentiment de se balader dans l’histoire. Les temples de Mayapan et Edzna sont beaucoup plus modestes et ne sont pas sur les itinéraires des voyages organisés. Du coup on se retrouve quasiment tous seuls au milieu de ruines toutes aussi belles que les têtes d’affiche estampillés UNESCO. Les iguanes profitent du calme pour se faire rôtir un peu partout, les archéologues et ouvriers ont de l’espace pour travailler. On flâne entre les pyramides, palais et bâtiments « administratifs » (c’est un brin plus clinquant que la préfecture de Toulouse).
Les deux derniers sites que nous visitons sont aux antipodes. L’un est au fond de la jungle à trois heures de route de la première grande ville. L’autre est à quelques kilomètres d’une des plus grosses stations balnéaires de la région. Dis comme ça on voit très bien que notre préférence est assez claire. Calakmul, la cité perdue dans la forêt à la frontière du Guatemala, est accessible après soixante kilomètres de virages depuis la petite ville d’Xpujil. Une fois là-bas, on découvre un site gigantesque avec les deux pyramides les plus hautes de la péninsule. Après avoir escaladé (pendant quelques minutes) les quarante-cinq mètres, on surplombe la forêt à perte de vue. Les singes hurleurs sont locataires des lieux et nous encouragent de leurs râles graves et distinctifs (aller faire un tour sur le dernier article bolivien >>ici<< pour vous rafraîchir la mémoire). Nous déambulons des heures au milieu des dizaines de temples et palais de cette cité incroyable et aujourd’hui envahie par les arbres et les lianes. Nous garderons un souvenir très fort de notre visite ici. Dans un autre genre, il y a le site de Tulum. Quelques ruines assez simples en bord de mer, dans un cadre assez « carte postale ». C’est certainement une sortie culturelle facile pour les milliers de touristes venus profiter du bord de mer à quelques kilomètres, mais c’est bien fade après tout ce que nous avons vu.
Comme on vous le disait, le Mexique fût un des points d’entrée des conquistadors sur le continent américain. La péninsule yucatèque n’est pas en reste en ce qui concerne les traces de cette colonisation. Hormis la culture et les temples mayas nettoyés et démontés (bah oui, ce n’est pas que du joli), les espagnols ont aussi créé un petit réseau de villes nouvelles. Toujours construites sous forme de quadrillage, elles semblent ne pas avoir changé depuis 400 ans. De petites bâtisses d’un ou deux étages, aux façades colorées et au charme fou. Nous avions adoré alors nous retournons à Valladolid, mais aussi à Izamal la charmante petite cité jaune, à Mérida la grande ville au centre bouillonnant ou à Campeche l’ancien port de pirates fortifié. Nous passons deux jours dans cette dernière, ce qui est parfait pour Audrey qui peut ajouter une bonne centaine de photos de façades colorées à sa collection… On les a toutes apprécié mais c’est bien à Valladolid que la magie a opéré. C’est aussi car nous avons eu la chance d’assister au défilé du concours de déguisements de la fête des morts (el Día de los Muertos, ou Hanal Pixán en maya). Audrey est aux anges et ne pouvait rêver mieux que de photographier tous ces jeunes gens peinturlurés avec soin.
Si nous sommes au Yucatán c’est aussi pour des vacances, et les vacances doivent forcément rimer avec baignade à un moment ou à un autre. Ça tombe bien, on a tout ce qu’il faut ici! On vous parlait de notre découverte des cenotes un peu plus haut, et il va de soi que nous en avons aussi fait profiter la famille. Notre coup de cœur est sans conteste le cenote de l’hacienda Oxman à quelques pas du centre de Valladolid. C’est un endroit fou, un immense puits de quinze mètres, une eau cristalline sans fond dans laquelle s’enfoncent les énormes racines des arbres du parc, magnifique. Les plus en jambe s’essaient (avec plus ou moins de succès) à la corde façon Tarzan. L’une de nous (pas de nom, non non) se démarque du lot en offrant des plats démesurés faisant éclater de rire tous les spectateurs. Encore merci Nadège. Dans un genre totalement différent, il y a les cenotes de la réserve d’El Corchito à Puerto Progreso dans le nord de la péninsule. Des piscines aux nuances de vert au cœur de la mangrove où on peut patauger sous le regard de sympathiques ratons laveurs et gros lézards. Il y a aussi tous ces cenotes un peu plus touristiques et plus accessibles, mais parfois tout aussi beaux, comme
Xankirixche, Dzombakal ou Xbatun à côté de San Antonio de Mulix, ou Dos Ojos pas loin de Tulum.
Mais il n’y a pas que les cenotes au Yucatán, il y a aussi le bord de mer, la côte caribéenne. Après avoir passé une grosse semaine dans les terres, nous découvrons la lagune de Bacalar, un immense lac ouvert sur la mer. Il faut être difficile pour ne pas apprécier les nuances de bleu et de vert dans lesquelles s’avancent des pontons en bois, avec la mangrove en fond. Pas trop mal comme tableau non? On aime tellement qu’on s’y prélasse deux jours de suite, vautrés dans des hamacs plantés dans le lagon. Un des plus beaux endroits de toute la péninsule, parfait pour se reposer après avoir avalé plusieurs centaines de kilomètres.
Après deux superbes semaines à arpenter la péninsule, il est temps de nous quitter. Les vacanciers continuent leur route de leur côté et nous repartons du nôtre. La prochaine étape nous emmène dans le sud du pays, à la frontière du Guatemala, dans l’état du Chiapas. Mais ça, c’est pour le prochain article des poulets!
À bientôt,
Audrey & Ben
La dernière photo « la grosse marade » me fait dire que les vrais vedettes de ce magnifique tour
du monde, c’est bien vous! Autrement ce reportage mexicain est super.Sombrero bas!!!Moi.
Merci! C’est vrai qu’on a essayé un maximum de rester au second plan mais parfois c’est impossible. Notre aura déborde sur le reste 😀