Retournement de situation! Nous voulions initialement passer la fin du ramadan, l’Idul Fitri, sur Bali afin de ne pas subir les problèmes de réservations de transports et de logements. Bali étant majoritairement hindou, on y aurait été tranquille. Mais allez savoir pourquoi, Ben a cherché et trouvé un billet d’avion pas cher depuis Banuywangi (notre ville étape à deux pas du volcan Ijen) jusqu’en Sulawesi, Makassar en l’occurrence. Heureux de notre trouvaille, on embarque en se disant qu’en plus on pourra toujours en profiter pour aller à l’immigration de Makassar et prolonger notre visa (30 jours supplémentaires). Bah oui mais voilà, ça n’est pas si simple quand on prend des décisions à l’inverse d’une idée réfléchie pendant des semaines…
De Makassar à Bira, premiers pas en Sulawesi du Sud
Makassar est une des plus grandes villes d’Indonésie, et ça se ressent. Du béton, du monde, du bruit, ses charmes sont assez discrets. Nous décidons donc de faire vite ici et d’aller directement à l’immigration… Ah, mais c’est fermé encore dix jours pendant les vacances de fin du ramadan justement… Bon, là on s’en veut un peu parce que notre visa se périme dans deux semaines et ça va être juste juste (on en veut aussi à la police des frontières de Jakarta qui a été de très bon conseil). Pas grave, on a qu’à aller passer une bonne semaine au pays Toraja… Ah mais les compagnies de bus sont en vacances aussi! Ça commence à être une trouvaille de moins en moins géniale ce billet d’avion à pas cher.
Finalement, suivant les conseils d’un ami venu ici il y a quelques années, nous décidons d’aller faire un tour à Bira. Il s’agit d’une station balnéaire prisée des locaux et connue uniquement des occidentaux pratiquants la plongée. On est d’accord, il y a bien pire comme plan B (ou C, ou D si on compte bien). 150 kilomètres et 5 heures de voiture plus loin (pas de montagne, c’est juste que la moitié de l’Indonésie, sinon plus, rentre en famille pour célébrer l’Idul Fitri), nous découvrons une petite ville au bout du monde. Bira est située sur un cap et son économie est basée sur deux choses, la construction de bateaux de pêche et le tourisme. Mais il s’agit d’un autre tourisme que ce que nous avions vu jusque là. Des indonésiens légèrement aisés viennent profiter du bord de mer, découvrir quelques sports nautiques, et plus généralement dépenser sans compter pendant les quelques jours qu’ils s’octroient. La petite ville bouillonne sitôt la nuit tombée. C’est charmant mais nous avons décidé de loger encore une fois un peu à l’écart (c’est sympa les shootings photo parce qu’on est blancs, mais ça fatigue aussi un peu à la longue).
Nous passons nos quatre jours dans un petit complexe le long d’une plage à quelques kilomètres du centre. Baignade, plongée, sieste, peinture, lecture, on met à profit ce temps mort afin de récupérer de nos derniers jours assez denses sur Java. Et puis la colocation avec une famille de geckos dans notre bungalow était assez sympa. La mère (de la taille d’un petit chat), ayant pondu une vingtaine d’œufs dans un coin, surveillait de près nos allers et venues.
La plage c’est bien, mais d’ici peu on aura l’occasion d’en profiter, et pas les plus moches (vous allez nous détester d’ici là fin de l’été c’est certain). On décide donc de reprendre la route vers le pays Toraja maintenant que les bus sont de nouveau opérationnels (après 150 kilomètres en 5 heures et un crochet par Makassar, sinon c’est pas drôle).
Le pays Toraja, intenses découvertes
Il faut dix heures de bus (potentiellement de nuit) pour rallier Makassar à Rantepao, la capitale du pays Toraja, au nord du sud (et non pas l’inverse) de la Sulawesi. Pour ceux d’entre vous qui ne connaissent pas cette région d’Indonésie vous êtes bien tombés, on va vous expliquer. Pour les autres, restez quand même, ça va être sympa. Le trajet se passe mieux pour nous que pour le couple d’hollandais de l’autre côté du couloir. Ils se font dépouiller leur porte monnaie pendant la nuit alors que leur sac était à leurs pieds, cadenassé. La police leur apprendra que notre compagnie de bus, conseillée par le Lonely Planet, est plusieurs fois par semaines la cible de larcins de ce genre, sur ce trajet précis. Ils sont les troisièmes en cinq jours. On arrive avec une bonne étoile, ça va envoyer du pâté!
Le pays Toraja pour les nuls. Les Toraja sont un peuple très attachés à leurs coutumes et traditions, christianisés il y a quelques siècles par les colons hollandais, et vivant dans les montagnes verdoyantes du cœur de la Sulawesi. Ils cultivent principalement le riz et le café. Mais s’ils sont connus c’est un peu pour leurs petites maisons cornues, et surtout pour la place que tient la mort dans leur communauté. En effet, la mort n’est pour eux qu’un événement non définitif et ne signifie pas que le défunt quitte les siens. Aussi, afin de célébrer son passage vers l’au-delà, la famille organise des funérailles pouvant être d’une ampleur très impressionnante (principale attraction touristique de la région, oui oui). De manière à ce que le maximum d’invités puissent assister aux funérailles, la famille peut devoir garder le défunt embaumé pendant plusieurs mois, le temps de préparer les festivités (souvent pendants les vacances autour de Noël ou de l’Idul Fitri). Un premier frisson dans le dos non? Le premier jour de la cérémonie (ça peut durer trois jours quand même) les invités offrent à la famille (ou au défunt lui-même) des cadeaux. Du paquet de cigarettes au buffle en passant par le kilo de sucre ou le cochon. Les cigarettes seront fumées plus tard (ou posées dans le cercueil avec le mort), première priorité, sacrifier les cochons. C’est bruyant, sanglant, odorant, bref ça impressionne.
Deuxième jour, c’est l’apothéose. Les buffles offerts sont à leur tour sacrifiés (ou juste la moitié sinon ça fait sûrement trop pour le boucher). Nous avons décidé de ne pas assister à cette partie (on y revient plus loin), mais pour ce qu’on a compris ce n’est pas joli joli. Certaines bêtes agonisent un peu avant de finalement s’effondrer sur leurs prédécesseurs. Toujours là ? Un petit verre d’eau ? Une fois le problème des offrandes réglé, le défunt est porté jusqu’à sa tombe. Les Toraja n’enterrent pas leur morts. Les cercueils sont introduits dans des caveaux creusés dans les falaises où rochers parsemant la région. Une statuette d’environ un mètre à l’effigie du mort est remise à la famille afin qu’il continue de partager leur quotidien, au sein du foyer. On vous avait dit que c’était intense.
Le troisième jour, petit bonus dont nous n’avons pas la signification exacte si ce n’est le divertissement des vivants (le mort est déjà dans son rocher normalement) : le combat de buffles. Là encore, nous n’y sommes pas allés. Il semblerait que ça ne se termine pas très bien pour au moins un des deux animaux. C’est bon, c’est fini, vous pouvez souffler.
Comme on vous l’a dit, nous n’avons pas assisté à une cérémonie dans sa totalité. La raison est simple et nous avons été conforté dans notre choix par un guide local à la fin de notre séjour sur place. Les cérémonies funéraires tiennent un rôle extrêmement important dans la société Toraja. La grandeur de celles-ci dépendait autrefois de la caste du défunt, de sa puissance, de son rang. Plus le défunt était important, plus les festivités étaient grandioses, et plus il y avait de sacrifices (un nombre bien précis correspondant à la caste). Mais l’Indonésie a, comme n’importe quel pays, glissé dans l’économie de marché et la richesse monétaire est aujourd’hui complètement décorrelée de la caste. Les familles riches offrent donc des funérailles de grande ampleur à leurs morts, et beaucoup, beaucoup d’animaux sont sacrifiés. Les Toraja sont même obligés d’importer leur buffles depuis les autres îles d’Indonésie. La valeur des plus cher (les mi albinos) pouvant atteindre des dizaines de milliers d’euros (rappelons que le salaire moyen est de 300 euros mensuel). Cette débauche d’argent et la frénésie sanguinaire des classes moyennes aisées est palpable. Nous avons été invités plusieurs fois par jour à assister à des sacrifices de buffles, avec le sourire jusqu’aux oreilles. Nous respectons bien entendu toutes ces traditions mais nous ne pouvons nous empêcher d’être mal à l’aise au milieu de tout cela.
Nous avons découvert tout ceci pendant notre semaine de dépaysement culturel en intraveineuse. Bien entendu, nous n’avons pas hésité une seconde et… louer un scooter! Vous commencez à nous connaître maintenant. Laissant les funérailles de côté, nous avons pu parcourir les montagnes verdoyantes de la région, toujours accueillis par des sourires, une présentation de la famille, voire même un petit café local. Enfin une région qui produit et sait boire le café! La gastronomie locale n’est par contre pas parfaite mais on ne mange pas trop mal. Ben a même la chance de découvrir de nouvelles saveurs dans un petit boui boui en pleine campagne. A force de faire le malin et de toujours accepter ce que les gens mettent dans son assiette, cette andouille a fini par manger du chien! Rassurez-vous, juste un petit bout, le temps de demander à la patronne « c’est bon, c’est quoi ? ». Le malaise sur son visage entraîna des éclats de rire chez les deux policiers en pause déjeuner à côté de nous. De bonne guerre, ils offrent à Ben un verre d’alcool de palme. Si vous n’avez jamais goûté, imaginez du vinaigre et de l’essence à briquet avec un soupçon de lait de vache. Un repas réussi !
Nous sommes venus au pays Toraja attirés par les spécificités culturelles de ce peuple. Mais ce sont les paysages qui nous laisseront l’envie d’y revenir. Des montagnes recouvertes de forêts et de rizières en terrasse, parsemées de villages aux maisons si atypiques et reliés entre eux par de sinueuses petites routes. Un régal pour les poulets !
Il est temps pour nous de changer d’air et de changer d’île. Après un rapide passage par Makassar et le bureau de l’immigration (enfin, nous avons notre visa !), nous nous envolons vers Bali. Le même pays, mais une tout autre culture. Enfin, tout ça vous le lirez dans le prochain article des poulets autour du monde.
A bientôt,
Audrey et Ben
haha je vois que vous avez eu droit à la découpe de porc en plein air 😉 vous avez réussi à voir les combats de buffles ?
On est arrivé par hasard juste après la fin de combats et ensuite on n’a pas cherché à y retourné. Le reste nous a suffit niveau amour de l’animal 😀
Juste un mot pour vous remercier de nous faire voyager à travers ces lignes teintées d’humour et ces superbes photographies. On vous envie tellement et on en redemande. Quelle expérience !
Laetitia
Merci Laetitia! C’est un énorme plaisir pour nous de coucher ce qu’on vit par écrit. On est vraiment ravi que tout ça vous plaise et que nos photos mettent en image les récits. Et puis c’est chacun son tour, je me souviens de photos de toi en voyage qui donnaient vraiment envie aussi!
les sacrifices des buffles c’est de la pécadille par rapport à ce que je vais faire de vous
à votre retour! Il nous tarde de découvrir TAHITI avec votre prochain envoi.Moi.
Haha. Patience patience papa ! Gros bisous
Benny les bons tuyaux !!!😜
Les aléas des baroudeurs et le choc des cultures 🙏
Si vous voulez une bonne adresse pour du corniaud au petits légumes, je suis là
trop tard je suis dans les récits,mais un vrai régal de vos photos avec des récits
toujours aussi pertinents.par contre manger du chien…………………….HORRIBLE
ceci dit je me régale de votre de vos super moments et je voyage encore!
gros bisous les petits poulets chéris
La Gastronomie fait aussi partie de ce qu’il y a à découvrir !